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Transport parti de Compiègne le 3 septembre
et arrivé au KL Buchenwald le 4 septembre 1943
Effectif recensé : 943 hommes
Matricules extrêmes : 20001 – 20898
Situations :
Evadés durant le transport : 19 (2 %)
Libérés par les autorités allemandes : 2 (0,2 %)
Décédés et disparus en déportation : 414 (43,9 %)
Rentrés de déportation : 415 (44 %)
Situations non connues : 93 (9,9 %)
C’est le deuxième grand transport parti de Compiègne à parvenir à
Buchenwald. Il est formé peu de temps après la décision des dirigeants allemands
d’ouvrir une usine souterraine dans la colline du Kohnstein pour la
construction des fusées.
Les déportés sont en très grande partie des jeunes réfractaires au Service
du Travail Obligatoire (STO) arrêtés au cours des semaines précédentes, et
beaucoup d’entre eux l’ont été en tentant de franchir les Pyrénées pour passer
en Afrique du Nord. La présence de Saint-Cyriens comme Bernard d’Astorg et
Hélie de Saint-Marc est significative. Quelques déportés ont été pris au cours
d’incidents dans des trains de STO partant pour l’Allemagne, comme à Mézidon
(dans le Calvados) le 30 juin 1943.
Les motifs d’arrestation ne manquent pas en raison des actes hostiles qui
se multiplient. La lutte de la police de Vichy contre les communistes remporte
quelques succès comme à Nantes en janvier-février 1943, où la Brigade
spéciale arrête 23 personnes qui sont livrées aux Allemands. 11 d’entre eux
sont fusillés le 25 août à Nantes, et 3 le seront en novembre à Stuttgart.
8 autres partent pour Buchenwald.
Au total, 943 hommes quittent Compiègne le 3 septembre. Il s’agit de
862 Français et de 81 étrangers, dont 28 Belges, 21 Néerlandais et
20 Polonais. De nombreuses évasions se produisent. Une partie des évadés
sont repris.
5 évasions ont lieu à Châlons-sur-Marne et la plupart des autres dans la
Moselle annexée, par exemple à Feltre, au sud de Metz. Au total, 19 évasions
sont connues comme ayant été réussies. Quant aux 28 évadés repris, ils sont
emprisonnés à Metz, puis à Sarrebruck, et transférés ensuite à Buchenwald le
21 septembre (13), le 28 septembre (10), ou plus tard.
Le train arrive le 4 septembre à la gare de Weimar, et les déportés gagnent
Buchenwald à pied. Comme tous les nouveaux venus, ils vont dans les Blocks
de quarantaine avant l’envoi éventuel dans des Kommandos extérieurs.
De l’avis général, ceux qui sont alors transférés au Kommando de Schö -
nebeck pour travailler à l’usine Junkers sont favorisés. Les travailleurs manuels
qualifiés, ou supposés tels, étaient à l’époque recherchés. Il existe deux
mauvaises destinations, qu’on appelle Dora et Laura.
On a recensé 472 personnes, ce qui représente 50 % de l’effectif au
départ de Compiègne, qui ont été transférées de Buchenwald à Dora les
28 et 29 septembre 1943. Elles constituent le premier groupe français qui a
dû affronter ce qu’on a appelé « l’Enfer de Dora ». Il s’agissait d’un chantier
souterrain consistant à implanter une usine moderne dans un ensemble de
galeries servant jusque-là à abriter des réservoirs d’hydrocarbures et
diverses matières premières. Il a fallu tout improviser dans la confusion et la
précipitation – s’agissant d’armes secrètes – avec un matériel de manutention
rudimentaire. Il a fallu réaliser les raccordements ferroviaires,
routiers, électriques, etc. Dans toutes ces tâches des détenus inexpérimentés
étaient encadrés par des détenus « verts » toujours prêts à cogner.
En outre les détenus étaient eux-mêmes logés dans le « Tunnel de Dora »
dans des conditions d’hygiène déplorables, aucun camp n’ayant été créé
dans le voisinage. Ces conditions extrêmes ont subsisté jusqu’à la fin du
premier trimestre de 1944.
101 des déportés de ce transport sont morts à Dora avant le 31 mars 1944.
86 malades ont été transférés au camp « de repos » de Lublin-Maïdanek en
janvier et février et 82 y sont morts. Au moins 67 malades ont été transférés au
camp de Bergen Belsen en mars et la plupart ont disparu.
Peu après le transfert vers Dora, le 9 octobre 1943, au moins 29 autres
détenus français sont arrivés au Kommando de Laura, situé à Lehesten, au sud
de la Thuringe. Il fallait y transformer une ardoisière en un centre d’essais pour
moteurs de fusées. L’un de ces détenus, Paul Adgé, un Saint-Cyrien arrêté au
passage des Pyrénées, a écrit sous le titre Un Kommando nommé Laura un
récit très documenté, à la fois personnel et historique. Un autre témoin
important est son camarade Aimé Bonifas, un étudiant arrêté lui aussi au
passage des Pyrénées. Il sera ensuite transféré à Wieda, près de Dora, pour
des travaux ferroviaires, et échappera finalement de peu à la tragédie de la
grange de Gardelegen, en avril 1945. Son récit intitulé Détenu 20801 dans les
bagnes nazis est un des meilleurs textes sur cette période. Le troisième témoin
sur Laura est Jean-Paul Garin, un étudiant en médecine lyonnais. Il a publié La
Vie dure sur cette expérience.
Ceux qui ont été alors admis au grand camp de Buchenwald n’y sont pas
nécessairement demeurés jusqu’à la fin. Hélie de Saint-Marc a été transféré à
Langenstein. D’autres au KL Flossenbürg.
La situation de 93 déportés n’est pas connue. 59 d’entre eux sont des
étrangers.
André Sellier
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Ces pages sont extraites du :
LIVRE-MEMORIAL
des déportés de France
arrêtés par mesure de répression
et dans certains cas par mesure de persécution
1940-1945
Fondation pour la Mémoire de la Déportation
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