février 2010
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Transport parti de Compiègne le 6 avril 1944
et arrivé au KL Mauthausen le 8 avril 1944
Effectif recensé : 1 489 hommes
Matricules extrêmes : 61851 - 63336
Situations :
Evadés durant le transport : 5 (0,4 %)
Décédés et disparus en déportation : 763 (51,2 %)
Rentrés de déportation : 667 (44,8 %)
Situations non-connues : 54 (3,6 %)
Jeudi 6 avril 1944, vers 7 heures ; 1 489 hommes au moins quittent le
camp d’internement et de transit de Royallieu (Frontstalag 122) proche de
Compiègne. Après avoir traversé la ville, à pied, en silence et par rang de
cinq, ils arrivent vers 8 heures à la gare de Compiègne située à plus d’un
kilomètre du camp. Là, un train les attend, composé d’une douzaine de
wagons à bestiaux sur lesquels est peinte la mention « Hommes : 40.
Chevaux en long : 8 », encadrés par un wagon de voyageurs réservé à l’escorte
militaire allemande, et par deux wagons plate-forme équipés de mitrailleuses.
En face de chaque wagon, les Allemands forment des groupes d’environ
80 hommes qui attendent en silence durant près d’une heure l’ordre d’y
monter.
Des quatre transports directs allant de Compiègne à Mauthausen en 1943
et en 1944, celui du 6 avril est le dernier et le plus important.
Vers 10 heures, le train quitte Compiègne pour la gare de Mauthausen, en
Autriche. En gare de Reims, il reste à quai durant près de trois heures. Les
déportés en profitent alors pour griffonner sur des bouts de papier des
messages qu’ils jettent par les interstices des parois de wagons et que les
cheminots ramassent, et qu’ils tentent de faire parvenir à leurs destinataires.
Le train passe ensuite par Thiaucourt (Moselle), Pagny-sur-Moselle (Meurthe - et-
Moselle), Novéant (Moselle), Metz (Moselle), puis Ludwigshafen (Rhénanie -
Palatinat), Würzburg, Nuremberg, Regensburg et Passau (Bavière), enfin Linz
et Mauthausen (Autriche). Dans des fourgons dont toutes les ouvertures sont
obturées, c’est un terrible voyage de trois jours et deux nuits que ces hommes
subissent, entassés pêle-mêle, sans nourriture et dans le froid.
En dépit des menaces de représailles des Allemands, en cas de tentatives
d’évasion, et des tensions que ces dernières créent entre déportés dans les
wagons, plusieurs d’entre eux, parmi les plus jeunes, cherchent à déchausser
le plancher et à s’évader. Cinq y parviennent, dont 2 à Thiaucourt, 2 à Pagny – sur -
Moselle. Aussi, en pleine nuit du 6 au 7, à Novéant, tous les déportés sont
éjectés de leurs wagons et doivent se mettre nus, leurs vêtements étant
entassés dans deux wagons vidés de leurs occupants. Ils continuent donc, à
120 par wagon, et dans l’odeur pestilentielle qui règne. En gare de Würzburg
seulement, quelques infirmières de la Croix-Rouge allemande sont autorisées à
donner à boire aux déportés.
Le 8 avril, vers 17 heures, le train arrive en gare de Mauthausen. Accueillis
par des SS, accompagnés de chiens, les déportés doivent s’habiller à la hâte de
défroques ramassées sur le quai. Ils montent vers le camp, encadrés tous les
dix mètres par ces SS et leurs chiens, traversant le village dont les habitants les
regardent, silencieux. Une ambulance ramasse ceux qui sont morts dans le
train, les invalides, puis les traînards. L’arrivée au camp a lieu vers
19 heures. Après de longues opérations de comptage qui durent toute la nuit,
vers 5 heures du matin, les déportés reçoivent l’ordre de se déshabiller, puis
d’entrer dans la salle de douches.
Résistants pour la plupart, auxquels sont mêlés des otages, des communistes
et quelques droit commun, ces hommes, de tous les âges, sont de
toutes les régions de France. Le plus âgé a 74 ans, et si 200 d’entre eux
n’ont pas vingt ans, les 2 plus jeunes ont respectivement tout juste 15 et
16 ans ; 9 autres, à peine 17 ans. La majorité est arrêtée entre novembre
1943 et mars 1944, soit lors de tentatives de franchissement de la frontière
espagnole, soit en tant qu’otages au cours de rafles de représailles comme
celles du 14 février à Cluny (Saône-et-Loire), du 19 février puis des 13 et
20 mars à Grenoble, du 14 mars à Cublac (Corrèze) et Terrasson
(Dordogne) ; soit encore lors d’opérations de démantèlement de réseaux ou de
maquis.
Parmi ces arrestations, les plus importantes sont celles qui ont lieu en
Dordogne en février 1944, en Ille-et-Vilaine en octobre et en décembre 1943
contre le réseau Buckmaster, en Isère, mais aussi dans le Puy-de-Dôme, la
Saône-et-Loire, la Savoie, la Seine, le Jura, le Loiret, la Mayenne à Craon
contre le groupe Marie-Odile du réseau Turma Vengeance, sans oublier la
région Sud-Est. En effet, un important convoi arrive à Compiègne directement
de Marseille, quelques jours avant le 6 avril : il est composé de personnes
enfermées dans les prisons des Baumettes et de Saint-Pierre, maquisards
arrêtés lors du démantèlement des maquis situés aux alentours de Banon, et
habitants de cette bourgade qui les ont aidés d’une manière ou d’une autre.
Parmi tous les déportés de ce transport, il y a Pierre Mercier, dit Maxime,
qui vient d’arriver à Compiègne le 23 mars, après avoir passé six mois en
cellule à la prison de la caserne du 92e RI de Clermont-Ferrand. Faisant
partie des Forces Françaises Libres (FFL), membre du réseau Mithridate, il
est le chef militaire des maquis de la 6e région du mouvement Combat
(Auvergne). Le 16 octobre 1943, il est arrêté avec 2 officiers anglais alors
qu’il organise une opération de parachutage, sur la base de renseignements
donnés par un de ses camarades au cours d’interrogatoires de la Gestapo.
Condamné à mort par un tribunal militaire, sa peine est par la suite
commuée, comme celle d’autres internés, en une déportation dans un KL.
Arrivé au KL Mauthausen le 8 avril 1944, il est ensuite gazé à Hartheim le
2 septembre.
Plus de la moitié des déportés de ce transport sont transférés au
Kommando de Melk et près de 300 vers celui de Gusen ; ils restent donc
rattachés au KL Mauthausen. Au moins 20 autres sont envoyés vers le KL
Auschwitz, alors que, par la suite, hormis l’Abbé Varnoux, la majorité des
ecclésiastiques catholiques et protestants, dont le Père Riquet, sont transférés
au KL Dachau.
Parmi les 763 décédés ou disparus, en déportation, 122 déportés de ce
transport, soit 8 %, sont exterminés en chambre à gaz, à Hartheim.
Claude Mercier
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Ces pages sont extraites du :
LIVRE-MEMORIAL
des déportés de France
arrêtés par mesure de répression
et dans certains cas par mesure de persécution
1940-1945
Fondation pour la Mémoire de la Déportation
copyright 2004 - Editions Tirésias