6
Transport parti le 8 mai 1943 de Compiègne
et arrivé le 10 mai 1943 au KL Sachsenhausen
Effectif recensé : 884 hommes
Matricules extrêmes : 65809-66813
Situations :
Evadé durant le transport : 1 (0,1 %)
Libérés par les autorités allemandes : 2 (0,2 %)
Décédés et disparus en déportation : 295 (33,4 %)
Rentrés de déportation : 556 (62,9 %)
Situations non connues : 30 (3,4 %)
Le transport du 8 mai 1943 est le troisième à prendre la direction du KL
Sachsenhausen au départ de Compiègne, après ceux du 23 janvier et du
28 avril 1943. Mais il s’agit du quatrième à quitter la France pour ce camp :
le premier transport, le « Train des Mineurs », part en effet de Lille le 13 juin
1941 et arrive au KL Sachsenhausen le 26 juillet, après un arrêt prolongé à
Huy. Au total, 884 hommes ont pu être identifiés ici, mais l’effectif du transport
avoisine vraisemblablement, d’après les témoignages, le millier de déportés. La
destruction par les Allemands des archives du camp est à l’origine de cette
impossibilité à retrouver l’intégralité des noms.
Au matin du samedi 8 mai 1943, les détenus quittent en colonnes le camp
de Compiègne-Royallieu et se dirigent vers la gare de la ville. Là, ils montent de
force dans des wagons prévus pour accueillir 40 hommes. Ils sont au moins le
double. Le train quitte la gare de Compiègne en milieu de matinée, mais,
pendant sa marche vers l’Allemagne, il doit s’arrêter à plusieurs reprises en
raison de tentatives d’évasion. Peu avant la frontière allemande, les Allemands
font descendre les hommes des wagons et leur font ôter leurs chaussures afin
de les dissuader de toute nouvelle tentative. Ainsi, il semble qu’un seul homme
ait réussi à s’évader, peu après le départ, à Coucy-lès-Eppes, dans le département
de l’Aisne.
Après deux jours de trajet, marqués par la chaleur et la soif, le train stoppe
en gare d’Oranienburg le lundi 10 mai, vers 2 heures du matin. Les détenus
sortent des wagons sous les cris des SS et tous ne parviennent pas, dans la
semi-obscurité, à retrouver leurs chaussures, jetées en tas sur le quai. Déjà, ils
doivent se mettre au pas de gymnastique afin de rejoindre le camp de Sachsenhausen
distant de quatre kilomètres environ. Ils y pénètrent par la porte
centrale, surmontée de la devise Arbeit macht frei, vers 2 heures et demie du
matin environ, puis ils subissent les opérations de désinfection et d’enregistrement.
Au petit jour, ils sont regroupés sur la place centrale du camp pour y
connaître leur premier appel.
Les déportés de ce transport ont été pour le plus grand nombre arrêtés
pendant les mois de février, mars et avril 1943. Ces trois mois concentrent
près de 90 % des arrestations, et le seul mois de mars en compte les deux tiers.
Les déportés de ce transport sont donc internés peu de temps au camp de
Compiègne avant leur départ pour l’Allemagne. Si une grande partie des
régions françaises sont concernées par les arrestations, l’une d’elle domine
très largement l’ensemble.
En effet, les arrestations correspondent surtout à des tentatives de
passage de la frontière espagnole afin de se soustraire au STO (Service du
Travail Obligatoire) et de rejoindre les FFL (Forces Françaises Libres) en
Afrique du Nord et en Angleterre. Ainsi, ce motif est à l’origine des deux
tiers des arrestations. Une géographie particulière des arrestations en
découle : les départements pyrénéens et la frontière espagnole sont le
théâtre de plus des deux tiers. Près de la moitié ont été opérées dans le
seul département des Basses-Pyrénées et environ 10 % dans celui des
Pyrénées-Orientales. Les arrestations, pratiquées par la Gestapo, les douaniers
allemands, la Wehrmacht ou les carabiniers espagnols, sont parfois
collectives. Dans la nuit du 15 au 16 mars 1943, par exemple, une cinquantaine
d’hommes sont faits prisonniers par une patrouille allemande dans la
forêt d’Iraty (Basses-Pyrénées). Plusieurs personnes ayant apporté leur
concours à ces passages en Espagne sont également interpellées puis
déportées (passeurs, personnes ayant fourni un hébergement ou des
vivres, etc.).
Un deuxième groupe parmi les déportés de ce transport est constitué par
les résistants arrêtés en raison de leurs activités (renseignement, distribution de
tracts, sabotage, etc.), notamment en Bretagne, dans les Pays de la Loire ou
bien dans la région parisienne. Ils représentent plus de 12 % des déportés du
transport. Viennent ensuite les auteurs d’actes de « résistance civile » (écoute
de la radio anglaise et diffusion des nouvelles, participation à des manifestations
anti-allemandes, propagande anti-nazie, etc) qui comptent pour un peu
moins de 10 % du total. Le dernier groupe d’importance est formé par des
militants communistes (environ 5 %) qui, pour la majorité, sont arrêtés de
façon précoce en 1940-42, en particulier dans le département de la Seine.
Parmi les motifs à l’origine des autres arrestations, il faut citer la détention
d’armes, les rafles de représailles et les motifs de droit commun.
Peu nombreux sont les déportés du transport à demeurer au camp central
de Sachsenhausen. Après la période de quarantaine, beaucoup sont transférés
dans des Kommandos extérieurs. Heinkel est celui vers lequel le plus de
déportés de ce transport sont envoyés. Il s’agit du plus important
Kommando de Sachsenhausen, situé à quelques kilomètres au sud du camp
central, avec ses 6 000 à 7 000 détenus, qui travaillent dans l’usine d’aviation.
Après l’arrivée à Sachsenhausen des premiers transports de Compiègne de
l’année 1943, c’est là en effet que les plus forts contingents de Français sont
envoyés, au moment de sa transformation en camp-annexe.
Parmi les autres Kommandos de Sachsenhausen où des déportés du
transport sont affectés, on trouve celui de Küstrin qui est situé à 70 kilomètres
à l’est de Berlin, au confluent de la Wartha et de l’Oder. Le premier détachement
est constitué par une trentaine de Français du transport parti de
Compiègne le 28 avril 1943. Le 27 mai suivant, 180 Français, tous des
« 64000-66000 », ainsi qu’une quinzaine de Belges, de Polonais, de
Tchèques, de Russes et une douzaine de Vorarbeiter (contremaîtres) allemands,
viennent les rejoindre dans l’usine de pâte à papier et de dérivés de
la cellulose.
D’autres déportés sont affectés dans les Kommandos voisins de Klinker et
de Speer, situés à 3 kilomètres du camp central, ou dans ceux de Falkensee, à
25 kilomètres à l’ouest de Berlin, et de Lichterfelde, à la limite sud de Berlin.
Si environ une centaine de déportés restent jusqu’au terme de leur déportation
au KL Sachsenhausen ou dans l’un de ses Kommandos, les autres sont
transférés vers d’autres camps de concentration. Parmi ces derniers, celui de
Buchenwald vient en tête, puisque plus de 200 déportés, au moins, y sont
conduits essentiellement en trois transports, le premier le 22 juillet 1944, les
deux autres dans les premiers jours de février 1945. Moins nombreux sont les
transferts vers Bergen-Belsen, Dachau, Flossenbürg, Mauthausen et Neuengamme.
Le groupe au départ de Compiègne le 8 mai 1943 enregistre 295 décès ou
disparitions. Les décès survenus au KL Sachsenhausen, dans ses Kommandos
ou pendant leur évacuation à la fin du mois d’avril, sont les plus nombreux
puisqu’ils représentent près de 28 % des décès dont on connaît la localisation.
Ceux enregistrés au KL Buchenwald ou dans ses Kommandos viennent ensuite
(un peu moins de 20 %), suivis de ceux au KL Flossenbürg ou dans ses
Kommandos (14 % environ) et de ceux au KL Bergen-Belsen (un peu moins
de 13 %).
Arnaud Boulligny
~~~~~~
Ces pages sont extraites du :
LIVRE-MEMORIAL
des déportés de France
arrêtés par mesure de répression
et dans certains cas par mesure de persécution
1940-1945
Fondation pour la Mémoire de la Déportation
© copyright 2004 - Editions Tirésias
© tous droits réservés