Février 2010
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Transport parti de Compiègne le 17 janvier 1944
et arrivé au KL Buchenwald le 19 janvier 1944
Effectif recensé : 1 943 hommes
Matricules extrêmes : 39441 – 41374
Situations :
Evadés durant le transport : 9 (0,5 %)
Décédés durant le transport : 2 (0,1 %)
Libérés par les autorités allemandes : 3 (0,2 %)
Décédés et disparus en déportation : 725 (37,3 %)
Rentrés de déportation : 935 (48,1 %)
Situations non connues : 269 (13,8 %)
Ce transport est le sixième des grands transports partis de Compiègne
depuis juin 1943 à être dirigés successivement vers Buchenwald. Il concerne
près de 2000 déportés alors que les cinq précédents en concernaient chacun
moins de 1000. On constate à cette époque une nette accélération de la déportation
de masse car, dans les dix jours qui suivent, deux autres transports de
même importance, ceux du 22 janvier et du 27 janvier, le suivent entre
Compiègne et Buchenwald. Peut-être le nom de code Meerschaum (écume
de mer) s’appliquait-il à l’ensemble de cette « opération ». Au total, 4 650
déportés avaient été concernés entre juin et décembre 1943, alors que 5 506
le sont par les trois convois de janvier 1944.
Les dates d’arrestation connues des déportés de ce transport sont
variables. Certains étaient emprisonnés depuis novembre 1941. D’autres
appartenaient à des réseaux touchés au milieu de 1943, comme celui de
Buckmaster en juillet en Seine-et-Oise, Ceux de Libération en juillet dans
l’Aube, Libé-Nord en août à Amiens. Puis les Allemands ont procédé à des
démantèlements de groupes de résistants, ou à des rafles de plus en plus
importantes. Dans le Puy-de-Dôme, c’est, le 25 novembre 1943, la rafle de
l’Université de Strasbourg à Clermont-Ferrand, puis le 12 décembre, la prise
de 24 otages à Saint-Maurice. En Haute-Savoie, l’Armée secrète est sérieusement
touchée à Annecy, à Annemasse, à Chamonix. L’opération la plus
notable est la rafle de Grenoble au moment des manifestations du
11 novembre 1943. 396 des hommes raflés sont transférés à Compiègne. A
l’inverse, en janvier 1944, il n’y avait plus dans ce camp, à la différence des
mois précédents, que peu de prisonniers ayant cherché à franchir la frontière
espagnole.
Les 1943 déportés du 17 janvier 1944 comprennent 1 506 Français et
437 étrangers, dont 232 Espagnols (et 8 nés en Andorre), 77 Italiens,
22 Polonais, 17 Néerlandais, 15 Belges et 9 apatrides. Les Espagnols républicains
étaient déjà internés. Des Italiens venaient de Grenoble.
Le convoi de déportation est constitué de wagons à bestiaux, avec une
centaine de prisonniers par wagon. Il part de la gare de Compiègne le 17 en
fin de matinée et franchit la frontière allemande le 18 à la fin de la nuit. Cette
première partie du trajet est marquée de nombreux arrêts, du fait de tentatives
d’évasion. Une seule réussit à Audun-le-Roman, peu avant de passer en
Moselle annexée. En pleine nuit, les prisonniers d’un wagon ont dû se déshabiller
et ont été transférés nus dans un autre wagon, libre à cet effet.
Le trajet en Allemagne le 18 est marqué par un arrêt en gare de Trèves où
un peu de soupe est distribuée, puis par un long arrêt en gare de Coblence. Il
faut encore une autre nuit très éprouvante (marquée par le manque d’air et la
soif) avant l’arrivée à Buchenwald en début d’après-midi, le 19 janvier. Les
nouveaux venus sont envoyés dans les Blocks de quarantaine du petit camp
selon le processus habituel.
Rapidement, entre le 10 et le 17 février 1944, d’importants transferts par
camions ont lieu vers le camp de Dora. Ils intéressent plus de 600 Français, qui
sont immédiatement logés dans « le Tunnel ». Une autre proportion importante
des déportés, quelque 300 personnes, est orientée vers le camp de Flossenbürg,
avant d’être répartie entre ses divers Kommandos. Quelques autres
accompagnent ensuite, de Buchenwald à Mauthausen, des déportés du
transport de Français arrivé le 24 janvier.
En février 1944, c’est encore l’Enfer à Dora ; des nouveaux venus y
meurent rapidement ou sont envoyés au « camp de repos » de Bergen-
Belsen en mars. Puis la situation s’améliore quand de nombreux détenus
deviennent de soi-disant spécialistes pour la fabrication de la fusée A4, c’est-à
-dire la V2. Jusqu’en avril 1945, les spécialistes français de l’usine Mittelwerk
sont souvent des déportés des deux premiers transports arrivés en janvier au
KL Buchenwald, dont le destin a été identique.
Trois témoins ont laissé des oeuvres intéressantes. Jean-Paul Renard, curé
dans la Somme arrêté en 1942, a poursuivi son sacerdoce dans la clandestinité
à Dora. Il a publié un recueil de textes, souvent des poèmes, sous le titre
Chaînes et Lumières. Gustave Leroy, colonel d’aviation, est l’auteur d’un
autre recueil de poèmes, A chacun son dû. Il sera général d’armée aérienne.
Jean-Henry Tauzin, arrêté en 1941, a fait le récit d’un parcours éprouvant de
Laura à Ellrich et au Revier de Dora où il est libéré, dans Quatre ans dans les
bagnes hitlériens.
Le biologiste Alfred Balachowski, transféré à Dora, est ramené en secret à
Buchenwald au Block 50, où se trouve Eugen Kogon, et participera avec lui en
septembre au sauvetage par substitution d’identité de Stéphane Hessel et deux
Anglais, menacés d’exécution. Il sera membre de l’Académie des sciences.
Il est difficile de faire un bilan clair sur la mortalité dans ce transport. Le fait
que les « situations » non connues, au nombre de 270, comprennent
171 étrangers (sur 437), ne facilite pas les recherches. Si on met de côté ces
situations non connues, on en est à 56,3 % de rentrés et à 43,7 % de décédés.
André Sellier
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Ces pages sont extraites du :
LIVRE-MEMORIAL
des déportés de France
arrêtés par mesure de répression
et dans certains cas par mesure de persécution
1940-1945
Fondation pour la Mémoire de la Déportation
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