Février 2010
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Transport parti de Compiègne le 22 mars 1944
et arrivé au KL Mauthausen le 25 mars 1944
Effectif recensé : 1 218 hommes
Matricules extrêmes : 59479 – 60696
Situations :
Décédés et disparus en déportation : 640 (52,5 %)
Rentrés de déportation : 534 (43,8 %)
Situations non connues : 44 (3,6 %)
Après presque deux mois d’interruption due au fait que le camp de
Compiègne s’est vidé d’une grande partie de ses détenus en janvier 1944 en
trois transports importants d’hommes vers le KL Buchenwald et en un transport
de femmes vers le KL Ravensbrück, la déportation massive au départ de
France reprend vers les KL en Allemagne.
Ce départ est le premier de l’année 1944 vers le KL Mauthausen, un
second transport de près de 1500 personnes étant également dirigé vers ce
camp, deux semaines plus tard, le 6 avril 1944. La déportation vers ce camp
répond certainement, alors, à un besoin de main-d’oeuvre accru des usines
dépendant du complexe de Mauthausen, pour soutenir l’effort de guerre
allemand. Seuls deux autres transports sont partis de Compiègne en avril
1943 avec chacun près de 1 000 déportés.
Si les 1218 hommes recensés sont regroupés à Compiègne avant
d’être déportés, ils n’ont pas tous été arrêtés dans les mêmes conditions,
au même endroit et au même moment. Deux grandes phases peuvent
être distinguées au sujet des dates d’arrestation connues : d’une part,
plus de 54 % sont effectuées lors des mois de janvier et février 1944, et,
d’autre part, 26 % ont lieu entre fin 1940 et fin 1942. Cette dernière
période correspond presque exclusivement à l’arrestation de militants
communistes, soit individuellement, soit au sein de groupes départementaux
du Front National. Ainsi, les départements de la Seine, du
Maine-et-Loire, de la Mayenne, de la Saône-et-Loire et la région du Nord-
Pas-de-Calais, ont connu de nombreux démantèlements d’organisations
communistes. Si un nombre important de personnes se retrouvent
déportées en mars 1944, cela s’explique par leur parcours d’internement :
en effet, avant Compiègne, elles sont incarcérées dans plusieurs établissements,
comme Douai ou Doullens pour ceux du Nord-Pas-de-Calais,
Fontevrault et Clairvaux pour d’autres. Mais, toutes ont la particularité
d’être à un moment passées par la Centrale de Blois, dont une partie des
détenus est transférée à Compiègne en février 1944, d’où ils sont
déportés un mois plus tard.
S’agissant des personnes arrêtées plus tard, elles le sont dans des circonstances
diverses. Des résistants figurent en nombre élevé. Ils sont arrêtés, soit
comme faisant partie d’un groupe dénoncé et démantelé, soit comme
maquisards : en Haute-Garonne, en février 1944, au moins 5 militants FTPF
sont arrêtés sur dénonciation de leurs activités d’impression de tracts ; dans le
département de l’Isère, en janvier 1944, au moins 5 résistants des groupes
francs de l’Armée Secrète sont appréhendés, de la même manière, par la
Gestapo ; des résistants du réseau Buckmaster sont arrêtés dans plusieurs
départements, dont la Saône-et-Loire en février 1944. En Haute-Savoie et dans
le département de l’Ain, les Allemands mènent, à partir de janvier 1944, des
opérations militaires contre certains maquis. Outre les maquisards faits prisonniers,
ces opérations ont des conséquences sur la population des villages
concernés : des rafles de représailles conduisent à la déportation des
personnes arrêtées comme otages. Ainsi, dans l’Ain, au moins 50 hommes
des communes d’Oyonnax, Génissiat, Nantua sont réunis et emmenés à
Compiègne. Par ailleurs, dans le Morbihan, à Loyat, des habitants du village
sont arrêtés en représailles à un attentat perpétré contre un officier allemand,
en janvier 1944. Enfin, signalons le cas d’au moins une quinzaine de personnes
arrêtées à Grenoble (Isère) à la suite d’une manifestation commémorative le
11 novembre 1943.
Le destin de ces déportés est assez précisément connu à partir de leur
entrée au KL Mauthausen. La très grande majorité (82,2 %) reste dans le
complexe de Mauthausen, soit au camp central, soit dans des Kommandos
de travail. Des transferts massifs vers ces derniers sont connus : au moins
480 hommes de ce transport sont transférés vers le Kommando de Gusen,
soit 40 % de l’effectif total ; 120 vers celui de Wiener-Neudorf, 90 à Loibl-
Pass ; 83 à Linz III, 62 à Melk, 55 à Passau II et 21 à Ebensee. Signalons
aussi le transfert spécifique de 82 hommes vers le château d’Hartheim, entre
juillet et décembre 1944, où ils sont aussitôt gazés. Le besoin de main-d’oeuvre
évoqué ci-dessus pour expliquer la déportation de ces 1218 hommes se
concrétise donc par l’affectation d’un nombre important de détenus dans les
Kommandos de Mauthausen, où sont installées de nombreuses usines d’armement.
Les transferts vers d’autres KL sont relativement peu nombreux. Le seul
significatif pour ce transport est celui parti le 1er décembre 1944 vers le KL
Auschwitz. C’est un transport de 1 120 détenus non juifs, dont 248 Français.
La liste originale de ce transfert, classée par corps de métiers, confirme à
nouveau des besoins de main-d’oeuvre. 37 hommes partis de Compiègne le
22 mars sont recensés dans ce transport et immatriculés au KL Auschwitz dans
la série des « 201000 ».
Un taux de décès relativement supérieur à celui de la majorité des autres
transports massifs vers les KL en Allemagne peut être constaté. Cela s’explique
par les conditions de travail difficiles dans les Kommandos de travail dépendant
de Mauthausen. Ainsi, 258 décès sont enregistrés à Gusen, soit 21,2 % de
l’effectif total du transport ; 82 déportés sont gazés à Hartheim, soit 6,7 % ;
enfin, 133 sont recensés comme décédés au camp central de Mauthausen
(10,9 %).
Concernant les rescapés, il faut signaler le cas d’au moins 7 libérations par
la Croix-Rouge suisse, le 23 avril 1945. Les autres rentrés sont en majorité
libérés du KL Mauthausen ou de ses Kommandos, les 5 et 6 mai 1945.
Guillaume Quesnée
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Ces pages sont extraites du :
LIVRE-MEMORIAL
des déportés de France
arrêtés par mesure de répression
et dans certains cas par mesure de persécution
1940-1945
Fondation pour la Mémoire de la Déportation
copyright 2004 - Editions Tirésias