Février 2010
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Transport parti de Compiègne le 27 janvier 1944
et arrive´ au KL Buchenwald le 29 janvier 1944
Effectif recensé : 1 583 hommes
Matricules extrêmes : 43470 – 45048
Situations :
Evadés durant le transport : 3 (0,2 %)
Décédé durant le transport : 1 (0,1 %)
Libéré par les autorités allemandes : 1 (0,1 %)
Décédés et disparus en déportation : 566 (35,7 %)
Rentrés de déportation : 867 ( 54,8 %)
Situations non connues : 145 (9,1 %)
Ce transport est le huitième des grands transports de Compiègne à
Buchenwald à se succéder depuis juin 1943. Son premier matricule suit le
dernier matricule du transport parti le 22 janvier 1944.
Quelques déportations de ce transport sont la suite d’arrestations
anciennes, mais la grande majorité des personnes concernées ont été
arrêtées dans les quatre derniers mois précédant le départ. Certaines arrestations
ont eu lieu lors d’attaques de maquis en Côte-d’Or, en Ille-et-Vilaine ou
dans les Côtes-du-Nord, d’autres sont liées à des tentatives de franchissement
des Pyrénées.
Les arrestations les plus importantes correspondent à des démantèlements
nombreux de groupes de Résistance dans des régions très diverses : FTPF
dans l’Aisne, la Loire ou la Haute-Savoie, Buckmaster en Normandie, Bretagne,
pays de la Loire, Libé -Nord dans l’Aisne, Résistance-Fer en Saône-et-Loire,
Corps-Francs Pommies du Gers, CND-Castille en Gironde et dans les Landes,
etc.
Au total, le transport du 27 janvier concerne 1 583 personnes, dont
1 415 Français. Les étrangers, Belges, Espagnols, Polonais, Néerlandais, ne
présentent pas de caractéristiques particulières.
Le trajet est marqué par l’évasion de 3 prisonniers à Vitry-le-François, et par
une soupe à l’arrêt à Trèves comme pour le convoi précédent. Ce voyage,
apparemment banal, a pris toute sa signification sous la plume de l’Espagnol
Jorge Semprun, qui a décrit, dans un « roman », intitulé Le Grand Voyage, celui
auquel il avait alors participé.
A Buchenwald, un sort particulier est réservé à un certain nombre de
déportés français. Une dizaine d’officiers, souvent membres du Deuxième
Bureau, dont Henri Giscard d’Estaing, sont transférés le 13 mars 1944 à Flossenbürg
pour être internés comme « personnalités-otages » au château d’Eisenberg.
Plus tard, Alfred Cailliau, beau-frère du Général de Gaulle, est
transféré au château d’Itter, où se trouvent Edouard Daladier, Paul
Reynaud, les Généraux Weygand et Gamelin, et d’autres personnalités importantes.
Plus tragique est le sort de membres du réseau Alliance, transférés
plus tard à Gaggenau pour être fusillés.
Une nouvelle fois, la moitié des nouveaux venus – 697 sur 1 415 Français –
sont envoyé à Dora, en février et mars. Il s’agit cette fois pour l’essentiel, de la
construction du camp, qui avait été ajournée au bénéfice des travaux du
Tunnel. Il faut construire les baraques, les rues, les réseaux et la clôture électrifiée
d’une véritable petite ville associée à l’usine des armes secrètes. Ces
nouveaux venus échappent aux « dortoirs » du Tunnel. Les victimes sont
cependant nombreuses et un transfert important a lieu, dès mars 1944, à
Bergen-Belsen.
Une nouvelle priorité apparaît en mars avec l’ouverture de nouveaux chantiers
souterrains et des camps correspondants d’Ellrich et de Harzungen. Les
derniers membres de ce transport à quitter Buchenwald y vont directement au
lieu d’aller à Dora. A la fin des travaux du Tunnel et du camp les survivants sont
affectés soit à l’usine, soit aux nouveaux chantiers.
En dehors de Dora, le principal lieu de destination est le nouveau chantier
de Porta Westfalica. Il est ensuite rétrocédé au camp de Neuengamme avec
ses détenus. D’autres transferts sont opérés vers Schönebeck, ou Langenstein.
Un des principaux témoins de la construction du camp de Dora et de la suite
de son histoire jusqu’à l’évacuation d’avril 1945 est Yves Béon, avec le récit
qu’il a intitulé La Planète Dora. Les livres de Charles Spitz, Schreiber à Dora,
et de Serge Miller, sur Ellrich, sont intéressants. Le texte de Pierre Maho, qui a
bien connu la Boelcke Kaserne, reste à publier. Il est d’une grande richesse.
C’est aussi le cas de celui de Marcel Petit, directeur de l’Ecole vétérinaire
de Toulouse, très influent au Revier de Dora, où se met en place un groupe de
résistance. Le récit de Marcel Petit a été connu et a beaucoup influencé
plusieurs travaux sur le camp. Il en est de même des souvenirs du Lorrain
Alfred Untereiner, connu comme le Frère Birin (des Ecoles Chrétiennes), qui
est entré à l’Arbeitsstatistik, et y a joué un rôle précieux pour ses compatriotes.
Petit et Birin avaient eu la chance de quitter les travaux de « terrasse ».
C’est aussi le cas d’un troisième personnage, Paul Rassinier, qui se dissocie de
ses camarades en intriguant pour rester hospitalisé au Revier. Il s’y forge une
vue du système concentrationnaire qui sera la base de ses dérapages futurs,
aboutissant au négationnisme.
Il s’opposera ainsi fortement à David Rousset, qui est lui aussi arrivé à
Buchenwald par ce transport, mais est transféré rapidement dans le
Kommando extérieur de Porta Westfalica, rattaché ensuite à Neuengamme.
Ses deux grandes oeuvres ont été publiées dès 1946 pour L’Univers concentrationnaire
et en 1947 pour Les Jours de notre mort.
Les oeuvres de Jorge Semprun situées à Buchenwald sont nettement
postérieures. Il a occupé des fonctions à l’Arbeitsstatistik, comme le Français
Daniel Anker.
André Sellier
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Ces pages sont extraites du :
LIVRE-MEMORIAL
des déportés de France
arrêtés par mesure de répression
et dans certains cas par mesure de persécution
1940-1945
Fondation pour la Mémoire de la Déportation
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