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Les femmes parties de Compiègne le 28 avril 1943
et arrivées au KL Ravensbrück le 30 avril 1943
Les hommes partis de Compiègne le 28 avril 1943
et arrivés au KL Sachsenhausen le 30 avril 1943
Effectif recensé : 876 hommes et 220 femmes
Matricules extrêmes :
64588-65549 (KL Sachsenhausen)
19244-19456 (KL Ravensbrück)
Situations : hommes - femmes
Evadés durant le transport : 3
Décédés et disparus en déportation : 222 - 40
Rentrés de déportation : 610 - 171
Situations non connues : 41 - 9
Le mois d’avril 1943 marque un tournant dans la série des départs en
déportation du camp de Compiègne, ce transport étant le troisième à partir
après que deux autres départs soient formés en direction du KL Mauthausen.
Ainsi, en moins de deux semaines, ce sont presque 3 000 personnes qui sont
déportées vers les camps de concentration nazis.
Ce transport présente toutefois des particularités par rapport à ces deux
convois qui le précèdent. Il est en effet constitué de deux groupes distincts :
celui des hommes extraits du camp de Compiègne, qui est rejoint en gare par
celui des femmes extraites la veille du Fort de Romainville et internées une nuit
à Compiègne. Répartis dans des wagons différents, ils prennent ensemble la
direction de l’Allemagne. Ils sont séparés à Berlin, les premiers étant déportés
vers le KL Sachsenhausen, les secondes entrant dans celui de Ravensbrück,
ces deux camps étant proches de la capitale allemande. Le transport du
24 janvier 1943 présentait déjà les mêmes caractéristiques, à cette différence
près, toutefois, que les femmes avaient été alors dirigées vers le KL Auschwitz.
A cette date, ce groupe de 220 femmes est ainsi le plus important à être arrivé
directement de France au KL Ravensbrück.
Les hommes déportés au KL Sachsenhausen sont très majoritairement
arrêtés dans les trois premiers mois de l’année 1943.
La mise en oeuvre du Service du Travail Obligatoire suscite à partir de
février de nettes réactions de refus. Certains le montrent en faisant le choix
de la clandestinité, avant de se faire parfois arrêter dans des rafles. D’autres le
manifestent ostensiblement, notamment lors de leur convocation ou dans le
train les emmenant travailler en Allemagne, comme en gare de Sedan le
4 mars 1943 pour au moins 9 déportés de ce transport. Mais les arrestations
se multiplient surtout le long de la frontière avec l’Espagne, en particulier dans
les Basses-Pyrénées et les Pyrénées-Orientales, où beaucoup de réfractaires
essayent de passer.
La répression revêt bien entendu d’autres formes et vise également les
organisations de Résistance, avec par exemple ces membres du mouvement
Combat arrêtés en Corrèze ou ceux du réseau Alliance en Dordogne. Mais ce
transport, comme le précédent arrivé en janvier 1943 au KL Sachsenhausen,
comprend de nombreux membres du parti communiste ou des sympathisants
communistes. En Meurthe-et-Moselle, ce sont les actions de sabotage du
groupe de l’Organisation spéciale dit Pacci, envers par exemple le haut
fourneau d’Auboué ou le transformateur de Briey, qui amènent, après le
jugement des auteurs devant le tribunal de la Feldkommandantur de Nancy,
l’arrestation de nombreux communistes au cours de rafles. Des membres du
Front National sont également arrêtés dans de nombreux autres départements.
Enfin, il faut signaler la présence importante de personnes raflées lors de la
destruction du Vieux-Port de Marseille, le 24 janvier 1943, dont le but est
notamment de soumettre et de contrôler cette grande ville de la zone Sud
occupée depuis le débarquement allié en Afrique du Nord, tout en mettant en
oeuvre la « solution finale » par l’arrestation de nombreux juifs.
Si les recherches ont permis de recenser 876 hommes au départ de
Compiègne le 28 avril, la destruction des archives du KL Sachsenhausen par
les Allemands empêchent encore de déterminer le nombre exact des déportés
de ce transport qui est plus important. Au moins 3 réussissent à s’évader avant
d’avoir passé la frontière allemande ; alors que 10 autres sont eux repris et
internés à Metz. L’un d’entre eux est ensuite dirigé à la fin du mois de juillet vers
le camp de Neue Bremm, à Sarrebruck, avant d’être transféré au KL Sachsenhausen,
où il reçoit le matricule 70117 le 4 août 1943, et où il reste jusqu’à son
retour en 1945. Les 9 autres sont déportés de Metz vers le KL Mauthausen le
18 juin 1943, et immatriculés dans la série des « 31800 » : 5 décèdent en
déportation, dont un qui est gazé au château d’Hartheim.
Les trois-quarts des déportés immatriculés dans les séries des « 64500-
65500 » sont transférés, après la quarantaine, dans des Kommandos extérieurs
travaillant pour l’effort de guerre allemand. Au moins un tiers d’entre eux sont
dirigés, dès le mois de mai, vers le Kommando de Heinkel, situé à quelques
kilomètres du camp central, pour être affectés à une usine d’aviation. A la
même période, un peu plus de 20 % des hommes partis de Compiègne sont
transférés à Falkensee, à vingt-cinq kilomètres à l’ouest de Berlin. Au moins
une cinquantaine d’entre eux partent pour le Kommando de Küstrin, situé plus
loin de la capitale de l’Allemagne, au confluent de la Wartha et de l’Oder, qui
travaille pour une usine de pâte à papier et de dérivés de cellulose. Les transferts
vers d’autres KL sont donc minoritaires et ils ont lieu souvent plus tardivement,
par exemple pour des déportés recevant le statut de «Nacht und
Nebel » et qui sont rassemblés au KL Natzweiler en 1944, ou lors des
nombreux transferts marquant la fin du système concentrationnaire nazi, par
exemple vers le KL Buchenwald en février 1945.
Au total, plus d’un quart des hommes de ce transport ne reviennent pas de
déportation.
Les 220 femmes qui sont déportées vers le KL Ravensbrück et immatriculées
dans la série des « 19200-19400 » forment le premier groupe de Françaises
numériquement important à entrer dans ce camp de concentration.
Originaires de nombreux départements, elles ont été rassemblées au Fort
de Romainville. La moitié d’entre-elles ont été arrêtées en 1942, surtout depuis
l’été; les autres l’étant en 1943.
Ce sont en majorité des résistantes et des femmes qui ont agi en faveur
d’organisations luttant contre l’occupation allemande ou aidant des aviateurs
alliés, dont les avions ont été abattus au-dessus du territoire. Elles appartiennent
notamment au Front National, comme c’est le cas dans les départements
des Landes, de la Gironde, de la Seine ou de la Meurthe-et-Moselle; aux
réseaux CND-Castille, Gloria SMH, Kléber, de la région parisienne, de la Côte d’Or
ou du Jura. Dans la Somme, c’est une des responsables régionales des
Bataillons de la mort qui est arrêtée et déportée.
D’autres femmes de ce transport, moins nombreuses, sont arrêtées pour
une « attitude anti-allemande » ou à la place de leur mari recherché par les
Allemands.
C’est le Kommando de Neubrandenburg qui constitue le premier lieu de
transfert de ces déportées après leur arrivée au KL Ravensbrück.
Près d’un tiers de ces femmes, au moins, est libéré après une intervention
de la Croix-Rouge ; alors que 40 ne reviennent pas de déportation.
Thomas Fontaine
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Ces pages sont extraites du :
LIVRE-MEMORIAL
des déportés de France
arrêtés par mesure de répression
et dans certains cas par mesure de persécution
1940-1945
Fondation pour la Mémoire de la Déportation
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