mars 2010
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Transport parti le 15 juillet 1944 de Compiègne
et arrivé le 18 juillet 1944 au KL Neuengamme
Effectif recensé : 1202 hommes
Matricules extrêmes : 36206 – 37700
Situations :
Evadés durant le transport : 4 (0,3 %)
Décédés et disparus en déportation : 749 (62,3 %)
Rentrés de déportation : 352 (29,3 %)
Situations non connues : 97 (8,1 %)
Effectif recensé : 326 « personnalités-otages »
Situations :
Evadés durant le transport : 0
Décédés et disparus en déportation : 12 (3,7 %)
Rentrés de déportation : 313 (96 %)
Situations non connues : 1 (0,3 %)
Le samedi 15 juillet 1944, le troisième grand transport à destination du KL
Neuengamme part de Compiègne. Ce sont plus de 1 500 hommes entassés
dans des wagons à bestiaux qui arrivent à destination dans la matinée du mardi
18 juillet, après deux jours et demi de voyage.
Le train est stoppé plusieurs fois après son départ en raison des bombardements
alliés et des tentatives d’évasion. 4 noms d’évadés dans le département
de l’Aisne, peu après le départ, ont pu être retrouvés. Ce nombre est
certainement inférieur à la réalité car des témoignages affirment que
17 personnes au moins manquent à l’arrivée au KL Neuengamme, évadées
ou décédées durant le voyage.
Le train passe par Metz, Thionville, puis Trèves. Le lundi 17 juillet, dans
l’après-midi, il arrive à Coblence, où les déportés sont ravitaillés en nourriture et
en eau. Enfin, le mardi 18, le transport arrive en gare de Hambourg, puis à
Neuengamme, où les SS organisent le débarquement des déportés.
1 525 déportés sont immatriculés le lendemain de leur arrivée.
Le débarquement a eu lieu depuis plus d’un mois déjà lorsque ce transport
quitte Compiègne, mais les déportations se poursuivent, vidant progressivement
ce centre majeur de détention en zone occupée. Après ce départ,
deux autres transports importants quittent le camp de Compiègne pour
arriver en Allemagne. Dès lors, la composition de ce transport reflète ce
contexte particulier : d’abord par le fait que les déportés ont été très majoritairement
arrêtés dans les cinq mois qui précèdent le départ, c’est-à-dire au
moment où la répression allemande s’amplifie face aux montées des actions
armées ; et ensuite parce qu’il présente de nombreux cas d’arrestation diffé -
rents, qui s’expliquent par le regroupement des détenus opéré à Compiègne,
alors que les Allemands en ont encore le temps.
On retrouve donc ici, en dehors de quelques condamnés de droit commun,
une majorité de résistants et de personnes arrêtées dans des rafles massives.
Beaucoup sont des membres de réseaux et de mouvements démantelés :
ainsi, 10 membres des Corps-Francs Vengeance, arrêtés dans la région
d’Evreux, en mai 1944 à la suite d’une dénonciation ; ou à Reims (Marne), le
groupe local de Libération-Nord qui est démantelé à la suite de la distribution de
journaux clandestins ; enfin, dernier exemple, le cas des prêtres et des séminaristes
responsables de la diffusion des Cahiers du Témoignage chrétien qui
sont arrêtés à Marseille en mars 1944. Léonel de Moustier, parlementaire qui a
refusé de voter les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain le 10 juillet 1940,
résistant au sein de l’Organisation de Résistance de l’Armée (ORA), est
arrêté en août 1943.
Par ailleurs, dans plusieurs départements, des maquisards sont arrêtés à
l’issue de combats directs avec l’armée allemande. Ainsi, des membres du
maquis de Châtenois, dans les Vosges, sont arrêtés en mai. Dans le Morbihan,
les Allemands font prisonniers plusieurs groupes de jeunes réfractaires au STO
qui avaient constitué des groupes armés.
Mais les autorités allemandes, aidées souvent par des membres de la
Milice, procèdent également à des rafles de représailles contre la population
qui aide la Résistance : un groupe important d’hommes de ce transport sont
ainsi raflés le 24 juin dans le bourg de Murat (Cantal). La rafle a été organisée
après un accrochage avec le maquis douze jours plus tôt. Au moins
130 personnes sont ainsi arrêtées et déportées dans ce transport. Les opérations
peuvent parfois être moins massives : un groupe de 9 personnes, originaires
des Côtes-du-Nord, est arrêté à Mael-Carhaix, à la suite de l’attaque d’un
commando allemand contre un café où de jeunes résistants-maquisards
avaient l’habitude de se réunir.
Toutefois, la composition de ce transport se distingue aussi par la présence
de tout un groupe de 326 personnes que l’on peut qualifier de « personnalité otages
», et que les Allemands nomment Prominenten. Pour la plupart, il s’agit
d’hommes politiques (dont Albert Sarraut, ancien président du Conseil, qui sera
transféré dans un autre camp, plusieurs anciens ministres, sénateurs, députés),
d’officiers de l’armée, de fonctionnaires de tous grades, de magistrats, d’ecclé -
siastiques, de médecins, d’industriels et d’autres professions très diverses. Ils
ont tous été arrêtés dans les jours qui suivent le débarquement allié en
Normandie, alors qu’ils étaient surveillés depuis longtemps. Les Allemands
pensaient-ils se servir de ces otages comme monnaie d’échange, ou bien
craignaient-ils, comme le pense le général Brunet de « trouver [en eux] de
futurs cadres pour la nouvelle organisation administrative, politique ou morale
d’une France progressivement libérée ». Après avoir partagé le sort commun
des autres déportés pendant le transport, ils sont immatriculés dans la même
série et sont isolés dans deux Blocks avec leurs vêtements et leurs objets
personnels. Ils sont exemptés de travail au camp et dans les Kommandos
extérieurs et peuvent se réunir librement.
Si un certain nombre de déportés restent au KL Neuengamme jusqu’à
l’évacuation en avril 1945, la majorité est affectée dans des Kommandos exté -
rieurs. Ainsi, le 1er août, plus de la moitié de l’effectif d’un convoi de
800 hommes vers celui de Bremen-Farge est constituée d’hommes arrivés le
18 juillet au camp. Ce Kommando utilise la main-d’oeuvre concentrationnaire
pour la construction de la grande base sous-marine « Valentin ». Au moins
120 autres déportés sont aussi envoyés dans un Kommando de la ville de
Bremen-Osterort, où l’on construit un abri-bunker pour des sous-marins.
D’autres groupes, moins nombreux, sont envoyés en plus petit nombre à
Kaltenkirchen pour y effectuer des travaux de terrassement et plus tard de
déneigement sur une base aérienne de la Luftwaffe, et dans les Kommandos
de Hambourg pour des travaux de déblaiement, de reconstruction et de creusement
de fossés antichars (plus de 70 hommes).
Les transferts vers d’autres KL sont très peu nombreux. Ils concernent pour
une partie, les prêtres et séminaristes, qui, le 22 décembre 1944, rejoignent le
Block des prêtres au KL Dachau, dans un transport composé de plus de
30 personnes. Ils sont immatriculés dans la série des 136 000. Quelques
déportés sont aussi transférés aux KL Sachsenhausen, Flossenbürg ou
Buchenwald.
Les « personnalités-otages » connaissent un parcours spécifique puisqu’ils
restent au camp central de Neuengamme avant d’être évacués vers Theresienstadt
le 12 avril 1945, puis vers le camp de Brezani (ou Breschan) le
30 avril. Hormis 11 décès à déplorer parmi ce groupe, ils sont tous libérés le
8 mai 1945.
Thomas Fontaine, Gérard Fournier, Guillaume Quesnée
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Ces pages sont extraites du
:
LIVRE-MEMORIAL
des déportés de France
arrêtés par mesure de répression
et dans certains cas par mesure de persécution
1940-1945
Fondation pour la Mémoire de la Déportation
© copyright 2004 - Editions Tirésias