mars 2010
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Transport parti de Compiègne le 18 juin 1944
et arrivé le 20 juin 1944 au KL Dachau
Effectif recensé : 2 139 hommes
Matricules extrêmes : 72274 – 74413
Situations :
Décédés durant le transport : 0
Décédés et disparus en déportation : 476 (22,3 %)
Rentrés de déportation : 1541 (72 %)
Situations non connues : 122 (5,7 %)
C’est le transport le plus important, par le nombre de déportés au
départ de Compiègne, à prendre directement la destination du KL Dachau.
Il précède vers ce camp ceux des 24, 28 et 29 juin, partis respectivement
de Besançon, Bordeaux et Lyon, celui du 2 juillet parti de Compiègne avec
plus de 2 000 personnes également, celui du 9 août parti de Bordeaux, et
enfin celui du 2 septembre parti de Besançon, qui emmènent au total près
de 4 000 déportés. Tous interviennent aprés le débarquement allié du
6 juin en Normandie, au moment où les Allemands entament l’évacuation du
territoire.
Les déportés de ce transport sont rassemblés au camp de Compiègne -
Royallieu peu de temps avant leur départ. Ils ont été arrêtés dans de
nombreux départements, et sont passés par différents lieux d’internement,
avant que les Allemands ne décident de leur regroupement en vue de leur
déportation.
Plus de la moitié d’entre eux viennent de la centrale d’Eysses, située à
Villeneuve-sur-Lot, dans le Lot-et-Garonne, où le gouvernement de Vichy
procède à de nombreux « internements administratifs ». Le 19 février 1944,
une mutinerie destinée à permettre une évasion collective s’y produit, mais
elle échoue et 12 détenus, condamnés à mort par une cour martiale réunie à
la maison centrale, sont fusillés, alors que les autres meneurs sont envoyés
à la prison de Blois. Dans ce contexte troublé, et peut-être selon un plan
d’ensemble de remise aux autorités allemandes des personnes arrêtées pour
des actions « terroristes », la totalité des détenus d’Eysses, soit plus de
1 100 personnes, sont évacués le 30 mai. Les départs se font par ordre
alphabétique, à pied puis en camions, par groupe de cent, et l’embarquement
a lieu en gare de Penne d’Agenais distante de 4 ou 5 kilomètres d’Eysses.
Le trajet jusqu’au camp de Compiègne dure quatre jours et s’effectue en
wagons à bestiaux par Agen, Bordeaux, Poitiers, Saint-Pierre des Corps,
Tours, retour à Saint-Pierre des Corps en raison des bombardements, Le
Mans, Château du Loir, Alençon, Massy-Palaiseau et Creil. Enfin, arrivés à
Compiègne le 3 juin, les « Eyssois » sont affectés directement au camp C.
La très grande majorité d’entre eux sont déportés dans ce transport. Ce sont
dans la plupart des cas des personnes arrêtées pour activité communiste. En
effet, l’étude détaillée des motifs inscrits sur le registre d’écrou de la prison
d’Eysses indique qu’au moins 52,7 % sont répertoriés sous cette
« rubrique ». Il s’agit en premier lieu d’internements de militants ou de
sympathisants appréhendés à la suite du décret du 26 septembre 1939 dirigé
contre les communistes, et en second lieu d’arrestations à la suite d’actions
de résistance (distribution de tracts, détention d’armes et d’explosifs, etc.).
Par ailleurs, 10 % le sont comme arrêtés « à la suite d’infraction à la loi du
5 juin 1943 » visant les menées dites terroristes, anarchistes ou subversives.
Pour les autres ne sont précisées que la détention d’armes ou l’activité
« anti-nationale », que cela relève d’une action de résistance (majoritaire) ou
du droit commun (minoritaire).
L’autre moitié des déportés de ce transport sont arrivés au camp A de
Compiègne-Royallieu, à des dates échelonnées, le plus souvent dans les
quatre mois qui précèdent leur départ. Les motifs d’arrestation connus de ces
personnes illustrent la lutte menée contre les résistants, et la montée des repré-
sailles contre une population à qui l’on reproche son soutien à ces derniers. Les
rafles prennent ainsi de plus en plus d’ampleur. Le 21 mai 1944, par exemple,
47 habitants de Lacapelle-Biron (Lot-et-Garonne) sont arrêtés puis déportés. Il
s’agit d’une mesure de représailles motivée par la présence de maquis dans les
environs immédiats de la commune. Vers six heures du matin, les Allemands
procèdent au rassemblement et à l’appel sur la place, de tous les hommes. Ceux,
qui sont agés de 18 à 60 ans sont arrêtés et, après une étape à Gavaudun,
conduits en camion à la caserne Toussaint d’Agen, avec d’autres hommes
arrêtés dans les communes voisines. Un convoi vers le camp de Compiègne se
forme à Penne-d’Agenais où ses membres retrouvent les internés de la prison
d’Eysses. 74 Haut-Savoyards figurent également dans ce transport, arrêtés
notamment les 20 et 21 mai au cours d’une importante rafle menée par les autorités allemandes et la Milice à la recherche de résistants dans le Chablais.
La veille du départ pour Dachau, les détenus sont tous regroupés dans la
section C du camp de Compiègne. Le lendemain, à la gare, un train composé
d’une vingtaine de wagons à bestiaux, avec plus d’une centaine d’hommes par
wagon, les attend et démarre dans la matinée du 18 juin 1944. Le premier arrêt
prolongé a lieu en gare de Reims. A mesure qu’il approche de l’Allemagne, le
train roule de moins en moins vite, les installations ferroviaires ayant été
endommagées par les bombardements. La garde du train est assurée par les
Allemands, suppléés par des partisans de Mussolini. Selon les témoignages,
après Avricourt en Meurthe-et-Moselle, où l’on entre dans la zone d’annexion,
et un arrêt à Sarrebourg, les gardiens sont remplacés, la Feldgendarmerie étant
semble-t-il chargée de convoyer le train sur le territoire allemand. En Allemagne,
il passe par les gares de Karlsruhe et Stuttgart, et dans l’après-midi
du 20 juin, arrive en gare de Dachau. Descendus du train, les déportés gagnent
le camp à pied, à quatre kilomètres environ.
A leur arrivée, sur les listes de la Politische Abteilung, les déportés sont
immatriculés en trois grandes séries. Les « non-Eyssois », provenant du camp
A de Compiègne, sont immatriculés du numéro 72274 au 72998 ; ceux
provenant de la centrale d’Eysses, du numéro 72999 au 74110 ; et enfin, à
quelques exceptions près, des étrangers et des Français respectivement du
74111 à 74288 et du 74289 au 74413.
Après le KL de Dachau, 953 déportés sont transférés, pour servir l’effort de
guerre allemand, dans un Kommando extérieur : principalement ceux de
Landsberg et Kempten et celui d’Allach, créé près du camp central en mai
1944, où un tiers des personnes de ce transport sont dirigées pour travailler
notamment pour la firme BMW. Au moins 307 le sont vers un autre KL. Près de
80 déportés restent à Dachau.
Thomas Fontaine, Manuel Maris
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Ces pages sont extraites du
:
LIVRE-MEMORIAL
des déportés de France
arrêtés par mesure de répression
et dans certains cas par mesure de persécution
1940-1945
Fondation pour la Mémoire de la Déportation
© copyright 2004 - Editions Tirésias