au musée des
lettres et manuscrits
Le Musée des lettres et manuscrits présente une découverte historique majeure : les messages secrets envoyés par le
Général de Gaulle à ses compagnons, cadres dirigeants de la France libre, mais aussi à Churchill ou Staline depuis Londres entre décembre 1940 et décembre 1942. Dans un corpus de 313 messages
rédigés de la main du chef de la France Libre, précieusement conservés depuis 70 ans dans la même famille et découverts par Gérard Lhéritier, le musée présente une sélection de quelque 200
messages qui témoignent de l’extraordinaire force de caractère, de l’intransigeance, de la volonté et de la stature d’un homme qui depuis son exil londonien ou lorsqu'il se déplace en Afrique ou
au Moyen-Orient infléchit le sort de son pays et le cours de la guerre.
Un an tout juste avant l’ouverture de la présente exposition, en novembre 2010, une personne contacte Gérard Lhéritier, Président du Musée des lettres et manuscrits, en lui affirmant être
l’émissaire d’un « collectionneur » qui est en possession de quelques centaines de messages autographes rédigés par de Gaulle alors qu’il était à Londres entre 1940 et 1942 ! Gérard Lhéritier
croit tout d’abord à une plaisanterie : un seul message de guerre manuscrit de Charles de Gaulle relève de la rareté absolue, que dire de 313… Devant l’insistance de son interlocuteur, il
rencontrera le fils d’une certaine Marie-Thérèse Desseignet qui a dirigé le pool dactylographique du Général pendant la guerre. Gérard Lhéritier, qui s’attend à feuilleter des photocopies,
découvre avec stupéfaction et une grande émotion des originaux de la main du Général. S’ils n’évoquent pas tous la situation de la France « intérieure », ces messages concernent les pays de
l’ancien Empire français de l’Afrique, de l’Afrique du Nord, du Moyen-Orient ou du Pacifique. C’est dans certains de ces pays dont on parle tant aujourd’hui (Algérie, Maroc, Tchad, Liban, Syrie,
Libye) que va se jouer le destin de la planète. Ces 313 messages souvent inédits (le Général de Gaulle en a annexé un certain nombre dans ses Mémoires de Guerre), et totalement inconnus sous leur
forme manuscrite originelle sont truffés de ratures, d’ajouts et de corrections d’un homme en guerre contre la terre entière pour défendre et imposer l'idée qu'il se fait de la France et de la
liberté.
Le mot de Gérard Lhéritier, Président du Musée des lettres et manuscrits.
L’histoire des messages secrets du Général de Gaulle et de leur découverte.
Elle s'appelle Marie-Thérèse Desseignet, elle vit en Angleterre quand la guerre est déclarée. Dés l'été 1940, elle rejoint le premier État-major du Général de Gaulle. Elle devient, tout
simplement, responsable du pool des dactylographes, des rédactrices et télégraphistes du Général de Gaulle qu'elle suivra ensuite à Alger.
Le Général de Gaulle comprend rapidement que la France est provisoirement sortie du champ de bataille, et que sans attendre l'organisation de sa résistance intérieure, il faut miser sur les
forces de son empire, avec le concours des Anglais, des Américains et des Français de bonne volonté. Le véritable champ de bataille de la Seconde Guerre mondiale va devenir planétaire et se
situer d'abord au Moyen-Orient, en Syrie et au Liban, en Afrique, dans le Pacifique, dans les territoires d'Outre-mer, tout comme en Russie ou en Asie.
Charles de Gaulle doit, en priorité, obtenir le ralliement des forces de l'Empire et déployer les couleurs de la France Libre dans le sable des déserts et de la France d'Outre-mer en général. Ses
ordres codés sont donc adressés à la France et aux dirigeants qu'il a nommés pour diriger les combats au Moyen-Orient, en Afrique, et sur le restant de la planète.
Marie-Thérèse Desseignet les transcrit et les code avec son équipe, pour qu'ils soient télégraphiés. Une fois transmis, les documents sont rangés précieusement dans une boîte d'archives ou dans
une chemise.
1940, 1941, 1942… tous les messages et manuscrits secrets sont là, classés, répertoriés.
Lorsque le Général de Gaulle part à Alger en 1943, Marie-Thérèse suit le mouvement et travaille à la Villa des Glycines. En 1944, lorsque l'État-major de la France Libre rejoint la France
métropolitaine, Marie-Thérèse quitte Alger avec un peu de retard. Lorsqu'elle effectue une dernière visite dans les locaux de la France Libre pour y chercher ses affaires, les lieux sont vides et
elle découvre, oublié dans un placard, un dossier dans lequel figurent 313 des messages qu'elle avait personnellement corrigés, fait dactylographier, coder puis télégraphier à la demande de leur
auteur, alors que de Gaulle était à Londres. Dans ce dossier ne figure que la majeure partie des ordres envoyés par le Général entre le 11 décembre 1940 et le 11 décembre 1942.
Elle fait alors prévenir le Général de Gaulle qu'elle est en possession de ses documents originaux.
Charles de Gaulle lui répond alors : « Gardez-les, ils sont entre de bonnes mains ».
Lorsque le Général de Gaulle revient à l'Élysée en 1958, Marie-Thérèse Desseignet fait prévenir le nouveau Président de la République qu'elle est toujours en possession de ses manuscrits et
messages secrets de Londres et de la France Libre. Le Général lui répond de nouveau : « Gardez-les ! ».
Les messages et manuscrits resteront au sein de sa famille, jusqu'à ce jour.
Ces 313 messages originaux concernent majoritairement les ordres que le Général de Gaulle donne à ses compagnons, cadres dirigeants de la France Libre, chargés de piloter les combats militaires
et politiques de la liberté au Moyen-Orient, en Afrique et dans le Pacifique. Ils portent presque tous sur la période 1941-1942 et sont majoritairement destinés aux Généraux Larminat, Catroux,
Koenig, Legentilhomme, Petit, Leclerc, à l’Amiral Muselier, à l'Amiral d'Argenlieu, à Pleven, Cassin et Palewski. Ils sont adressés de façon plus exceptionnelle à Churchill, Dejean, Tixier, Félix
Eboué, et par ailleurs, quelques messages uniques sont adressés à Staline et au Docteur Schweitzer.
Ces messages sont tellement précieux que Charles de Gaulle en a publié certains en annexe de ses « Mémoires de Guerre » et que d'autres ont été repris dans « Charles de Gaulle, Lettres, notes et
carnets », aux éditions Robert Laffont.
Ils montrent le Général faisant son métier de militaire et d'homme d'État, de timonier de la France Libre, avançant ses pions sur l'échiquier de ces territoires du monde qui ont été sous-estimés
par l'ennemi.
Au fil de ces 313 messages « secrets » qui ont été codés et transmis, Charles de Gaulle apparaît à la fois ferme, intransigeant, autoritaire, déterminé, entêté, attendri, coléreux, soucieux de
l'indépendance de la France et de la préservation des intérêts de la Nation devant des alliés anglais et américains dont il ne cesse de contrer l'hégémonisme permanent ainsi qu'une certaine
tendance à vouloir monopoliser le pilotage des opérations. De Gaulle affronte sur les territoires de l'ancien empire le principe de réalité des mentalités humaines : des compagnons et des alliés
trop facilement divisés par des ambitions personnelles ou partisanes.
À la lecture de ces manuscrits et messages secrets, on a du mal à ne pas être fasciné par l’incroyable force de caractère, par l’insurmontable entêtement du Général de Gaulle, par ses qualités de
stratège dans le club très fermé des géants qui s’affrontent sur la planète. On a du mal à ne pas éprouver une formidable empathie pour celui qui s’était fixé pour objectif de faire bouger les
montagnes et qui y parvint.
L’on ne peut pas ne pas évoquer les instants de solitude et de découragement vertigineux qui devaient l’assaillir au fil de ses déconvenues, lorsqu’il pouvait arriver que ce soit la presse qui le
mette au courant des opérations historiques et décisives déclenchées par ses alliés.
Je rends hommage à Marie-Thérèse Desseignet d’avoir su si bien sauvegarder ces messages historiques que le Général de Gaulle lui avait confiés un jour et d’avoir permis qu’ils réapparaissent
aujourd’hui, soixante-dix ans plus tard, pour le grand profit des générations de ce nouveau siècle.
Avec cette découverte exceptionnelle, le Musée des lettres et manuscrits dévoile un pan à la fois intime et historique, tant les deux sont mêlés chez le Général de Gaulle, d'un homme dont on
croit tout savoir. Si tous ces messages ne peuvent, pour des raisons de confort de visite et de rythme scénographique, être exposés, ils sont tous mis à disposition du public et des chercheurs
puisque cinq institutions dépositaires de la mémoire et des archives du Général de Gaulle et de la France Libre (BNF, Archives de France, Musée de l’Ordre de la Libération, Fondation Charles de
Gaulle, Fondation de la France Libre) auront accès dès novembre 2011 à l’intégralité des 313 messages numérisés ainsi qu’à leur transcription.
Le Musée des lettres et manuscrits demeure ainsi fidèle à sa volonté de partage et d’ouverture au plus grand nombre.
Le mot du commissaire de l'exposition, Jean-Pierre Guéno
Sous la coordination de Gérard Lhéritier, Jean-Pierre Guéno a effectué un choix de quelque 200 messages secrets du Général de Gaulle, parmi les 313 qui nous sont parvenus. Un ensemble unique et
inédit présenté sur une surface de 100 m2 où le visiteur découvre à la fois l’homme privé, le chef de guerre et l’homme d’Etat. Agencée de manière essentiellement thématique,tout en respectant
les points de repère chronologiques indispensables, l’exposition donne une place essentielle au contenu de ces manuscrits qui couvrent la période 1940-1942. Une période très chaude faite
d’hésitations, de décisions, de coups de théâtre, de ralliements et de coups durs, de victoires et de désastres, alors même que les ennemis du monde libre continuent leur montée en puissance et
qu’il faut s’efforcer d’enrayer la course du rouleau compresseur nazi. Deux ans pendant lesquels le Général de Gaulle réalise qu’il ne faudra rien laisser au hasard et fédérer dans la bataille
les Américains, les Britanniques, les Soviétiques, l’ancien empire colonial français, et en fin de compte les Français eux-mêmes, pour gagner la guerre, mais surtout pour gagner la paix qui la
suivra dans des régions du monde qui font l’actualité de ce début de XXIe siècle. 200 manuscrits qui retracent jour après jour, de vitrine en vitrine, la volonté, l’autorité, la force de
caractère, la détermination, la solitude d’un homme : le Général de Gaulle. De celui qui a su enraciner la France Libre à l’extérieur de ses frontières pour mieux y réimporter la France
Combattante. De celui qui a su obtenir le ralliement des pays de l’ancien Empire français. De celui qui a su donner à son action quotidienne une dimension planétaire ! Au-delà de l’homme
lui-même, l’histoire s’incarne sous les traits des chevaliers de la France combattante qui reçoivent ses ordres, dans la silhouette d’une Française libre, Marie-Thérèse Desseignet, qui a su
sauver de l’oubli puis transmettre les brouillons de ces messages secrets. Panneaux didactiques, photographies, schémas explicatifs apportent des réponses à toutes les interrogations des
visiteurs. Une exposition qui parle au cœur en même temps qu’à l’esprit et qui nous rappelle la véritable dimension d’un homme d’État qui a toujours su placer les intérêts de son pays et
l’intérêt général des Français au-dessus de ses intérêts personnels. Chaque mot, chacune des ratures qui composent les brouillons des messages secrets du Général de Gaulle reproduisent le beau
souffle, la belle écriture, les courbes du sismographe d’une écriture : celle de la liberté en marche.