Février 2010
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Transport parti de Compiègne le 31 janvier 1944
et arrivé au KL Ravensbrück le 3 février 1944
Effectif recensé : 959 femmes
Matricules extrêmes : 27030 – 27988
Situations :
Libérées par les autorités allemandes : 3 (0,3 %)
Décédées et disparues en déportation : 197 (20,6 %)
Rentrées de déportation : 711 (74,1 %)
Situations non connues : 48 (5 %)
Le transport de femmes qui quitte la gare de Compiègne le 31 janvier 1944
est le plus important au départ de France vers le KL Ravensbrück. Il s’inscrit
dans le contexte d’une déportation massive à partir de Compiègne, après les
départs de trois importants transports d’hommes à destination du KL
Buchenwald.
Si les 959 femmes enfermées dans des wagons à bestiaux sont toutes
extraites du camp de Compiègne, elles ont été d’abord internées dans
diverses prisons françaises, puis amenées en région parisienne, à Fresnes, à
La Santé ou au Fort de Romainville.
Le train effectue plusieurs arrêts avant d’arriver au KL Ravensbrück, dont
un à Trèves, où la Croix-Rouge allemande leur distribue de la nourriture. Puis,
il repart et arrive à destination le 3 février 1944. Il est connu dans la mémoire
des déportés comme le « convoi des 27000 », en référence à la série matriculaire
qui lui est affectée à l’arrivée au camp.
Il se distingue des autres transports de femmes par les sources existantes,
puisqu’une liste venant du Revier du camp a pu être conservée. Elle mentionne
la totalité des femmes arrivées ce 3 février 1944, ce qui en fait un document
exceptionnel puisque la grande majorité des archives de Ravensbrück ont
disparu. Il s’agit en fait de plusieurs listes alphabétiques accolées : une
première va du matricule 27030 au 27309 ; une deuxième du numéro 27310
au 27570 ; une troisième du numéro 27571 au 27863 ; une quatrième du
matricule 27864 au 27929, et une dernière du numéro 27930 au 27988. Ces
différentes listes réunies amènent à penser quelles ont été constituées en
fonction des arrivées au camp de Compiègne et qu’il s’agit donc, en fait, d’un
état des partants. Ainsi, les détenues arrivées dans ce camp un mois avant le
départ pour Ravensbrück se trouvent dans la première liste, tandis que celles
arrivées quelques jours avant se retrouvent dans les suivantes.
L’étude de la liste soulève quelques interrogations : à côté du matricule 27260
est portée la mention « Ist nicht zur Einlieferung gelangt » (non parvenue à l’entrée
du camp). Il s’agit en fait d’une femme transférée du Fort de Romainville au camp
de Compiègne en octobre 1943. Ayant plusieurs fois tenté de se suicider, elle est
finalement ramenée en février 1944 au Fort de Romainville, puis internée à l’Asile
Sainte-Anne, d’où elle est libérée le 19 août 1944. Le fait que son nom figure sur la
liste retrouvée au Revier de Ravensbrück avec un matricule, permet de penser
qu’elle a pu faire partie de ce transport avant d’être ensuite ramenée en France,
comme cela se produit parfois. Mais son témoignage n’indique pas ce trajet et il
semble plus probable qu’elle n’ait pas été « rayée » de la liste de départ, et qu’à
Ravensbrück on ait ignoré qu’elle ne soit pas partie.
Car, sur cette liste figurent aussi 17 mentions « Gestrichen » (rayée),
concernant les femmes non-parties de Compiègne. Le cas d’une d’entre elles,
Marie-Louise Monnet, illustre cette « règle », sans doute habituelle et déjà constatée
pour d’autres transports partis directement vers des KL : elle est emmenée
à l’hôpital juste avant le départ, et déportée plus tard dans le transport parti le
14 juin 1944 vers Sarrebruck Neue Bremm, puis Ravensbrück.
Par ailleurs, les recherches menées ont révélé le nom d’une détenue de
Compiègne, très probablement déportée dans ce transport, mais absente de la
liste. Elle entre au KL sans être, semble-t-il, immatriculée, puis elle est ramenée
à Fresnes par Francfort-sur-le-Main, le 15 février 1944, pour être jugée et
condamnée à mort. Elle est finalement libérée de Fresnes le 17 août 1944.
Au total, la liste présentée ci-après comporte 958 noms avec matricules et
1 nom sans matricule, soit 959 déportées.
Ce transport est très majoritairement composé de résistantes. Les arrestations
sont surtout opérées durant l’année 1943, près de 45 % s’effectuant
durant l’automne. Seulement 5 % le sont en 1941 et 1942 : ce sont surtout des
membres du Front National, arrêtés dans la région parisienne au cours des
grandes vagues répressives des autorités allemandes contre les milieux
communistes. Les autres résistantes connues appartiennent à de nombreux
réseaux et mouvements implantés dans toute la France à cette époque.
Dans le département de la Sarthe, 18 femmes du réseau Buckmaster sont
ainsi arrêtées, entre septembre et décembre 1943, pour avoir notamment
hébergé des parachutistes. Les mêmes motifs sont invoqués, toujours pour
des personnes de ce réseau, dans les départements de la Seine, de la
Gironde, du Loir-et-Cher, du Maine-et-Loire et de la Haute-Garonne. Figurent
aussi en nombre important, des femmes arrêtées pour leurs activités d’agent de
liaison ou de boite aux lettres au sein du Front National, des réseaux Alliance,
CND-Castille, Manipule, Evasion, Gallia, Marco-Polo et Vengeance. Des
groupes sont souvent entièrement démantelés, comme celui des 9 agents du
réseau Mithridate du Puy-de-Dôme, qui sont arrêtées sur dénonciation en
novembre 1943 ou comme lorsque la Gestapo opère, à Paris, en juillet 1943,
un vaste coup de filet au sein du mouvement Défense de la France touchant au
moins 5 femmes de ce transport. Par ailleurs, 3 étudiantes de l’Université de
Strasbourg, repliée à Clermont-Ferrand, qui appartiennent au mouvement
Combat, sont arrêtées en même temps que des camarades déportés vers le
KL Buchenwald en janvier 1944. Enfin, Renée Haultecoeur, secrétaire de Jean
Cavaillès, un des fondateurs de Libération-Nord, est arrêtée le 27 août 1943 à
Paris.
Lorsqu’elles arrivent au KL Ravensbrück, les déportées sont placées en
quarantaine avant d’être affectées à des travaux soit à l’intérieur du camp, soit à
l’extérieur. Une partie de ce transport, 134 femmes, est envoyée en avril 1944
au Kommando d’Holleischen, dépendant du KL Flossenbürg, dans la forêt
sudète. Là, elles doivent travailler dans la poudrerie des usines Skoda, à la
fabrication des munitions anti-aériennes. Un autre transfert important, d’au
moins 100 femmes, est dirigé vers le Kommando de Zwodau, dépendant
aussi du KL Flossenbürg. Par ailleurs, plus de 100 autres déportées partent
pour les Kommandos de Bartensleben, de Hanovre et de Beendorf, rattachés
au KL Neuengamme et une soixantaine au moins, en juillet 1944, vers les
Kommandos de Leipzig et Schlieben, dépendant du KL Buchenwald. Des
femmes de ce transport sont également transférées vers les Kommandos de
Rechlin et de Neubrandenburg, dépendant de Ravensbrück. Ainsi, contrairement
aux « NN » qui doivent rester au camp, ces femmes sont pleinement
utilisées dans les usines allemandes d’armement.
Parmi les femmes restées au KL Ravensbrück, 23 au moins sont gazées, la
plupart en mars et avril 1945. Trois libérations par les autorités allemandes sont
connues avec certitude, dont celle d’une femme renvoyée en France en avril
1944, au Fort de Romainville, où elle accouche en juillet 1944, et une autre
ramenée sur intervention. 86 autres déportées sont libérées sur intervention de
la Croix-Rouge, en avril 1945, avant la libération officielle du camp qui a lieu le
30. Enfin, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, mise au Bunker du camp en octobre
1944, est libérée fin février 1945 à la frontière suisse.
Thomas Fontaine, Guillaume Quesnée
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Ces pages sont extraites du :
LIVRE-MEMORIAL
des déportés de France
arrêtés par mesure de répression
et dans certains cas par mesure de persécution
1940-1945
Fondation pour la Mémoire de la Déportation
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