Pérenniser la mémoire de la déportation par le transport ferroviaire par la réalisation d'un Mémorial devant avoir pour bases deux wagons conformes à ceux utilisés au départ de Compiègne entre 1942 et 1944. Dans le respect absolu de la vérité historique, qui n'est pas le cas actuellement.
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Transport parti de Compiègne le 17 septembre 1943
et arrivé au KL Buchenwald le 18 septembre 1943
Matricules extrêmes : 21001-21928
Effectif :
recensé : 934
estimé au départ : 993
Situations :
Evadés durant le transport : 3 (0,3 %) 3 (0,3 %)
Décédés durant le transport : 4 (0,4 %) 63 (6,3 %)
Libérés par les autorités allemandes : 2 (0,2 %) 2 (0,2 %)
Décédés et disparus en déportation : 402 (43,1 %) 402 (40,5 %)
Rentrés de déportation : 448 (48,2 %) 450 (45,3 %)
Situations non connues : 75 (7,8 %) 73 (7,4 %)
C’est le troisième grand transport parti de Compiègne à parvenir au KL
Buchenwald. Il est mis en route deux semaines après celui du 3 septembre
et présente les mêmes caractéristiques. Les déportés immatriculés dans la
série des « 21000 » sont très proches de ceux qui le sont dans celle des
« 20000 ».
La population concernée est identique. Une forte proportion est constituée
de jeunes réfractaires au Service du Travail Obligatoire. Beaucoup d’entre eux
ont été pris en tentant de franchir les Pyrénées. Il s’agit souvent d’étudiants et
de militaires. D’autres appartiennent à des mouvements de résistance (dont
des membres du Front National de la région parisienne, de Charente-
Maritime, du Maine-et-Loire, d’Ille-et-Vilaine, de Haute-Marne, etc.) ou à des
réseaux variés (comme ceux de Buckmaster, arrêtés dans le Jura en août
1943). D’autres ont eu affaire personnellement aux occupants. De nombreuses
régions sont concernées, même si plus de 40 % des déportés de ce transport
sont arrêtés dans les départements limitrophes de la frontière espagnole ou
dans celui de la Seine. Ils sont donc une grande partie à transiter par Bordeaux
ou les prisons de la région parisienne avant de rejoindre le camp de
Compiègne. La grande majorité a été arrêtée depuis janvier 1943.
Selon les préparatifs habituels, les membres de ce transport sont
rassemblés le soir du 16 septembre 1943 dans le camp C de Compiègne-
Royallieu et emmenés à pied le lendemain matin à la gare de Compiègne
pour être embarqués dans des wagons à bestiaux, à quarante par wagon.
Le transport se déroule dans des conditions dramatiques. Le train se trouve
en fin d’après-midi à la limite de la Moselle annexée, à Novéant, rebaptisé
Neuburg an der Mosel, quand des évasions se produisent. Elles avaient été
nombreuses deux semaines plus tôt. On ne compte cette fois que 3 évasions
réussies. Les autres prisonniers doivent se déshabiller et sont regroupés dans
des wagons intacts. A une centaine par wagon, le voyage reprend. A l’arrivée à
Weimar le lendemain soir, on trouve 63 morts d’asphyxie dans des wagons
métalliques. Ces morts sont incinérés au crématoire de Buchenwald sans avoir
été identifiés.
On ne connaissait donc, sur un effectif au départ estimé à 997 personnes,
que les 927 immatriculés à l’arrivée et les 3 évadés. Les noms de 4 des
63 victimes ont été retrouvés grâce à des témoignages reçus par la
Fondation.
Les 927 immatriculés comprennent 873 Français et 54 étrangers, dont
17 Belges, 16 Polonais et 14 Néerlandais.
A l’issue de la quarantaine, quelques « 21000 » sont transférés à Schö -
nebeck, mais ceux qui vont à Dora sont de loin les plus nombreux. En effet,
au total, plus de 500 Français sur les 873 du transport, soit 58 %, sont
concernés. Dans la période « l’Enfer de Dora », 126 décès sont enregistrés
à Dora. En même temps, au moins 114 malades partent pour des « camps
de repos », 65 et 33 vers Lublin-Maïdanek, respectivement en janvier et en
février 1944, 16 vers Bergen-Belsen en mars. Cela signifie que 47 % des
« 21000 » envoyés à Dora sont éliminés en quelques semaines. A Dora, on
est alors dans la période de la transformation d’un souterrain en une vaste
usine moderne. Cela représente des travaux de creusement et de
« terrasse », d’importantes et pénibles manutentions, et des constructions
variées, le tout dans l’improvisation et en l’absence de matériel approprié.
Cela correspond aussi à un enfermement de plusieurs mois dans un site
souterrain, dans des conditions d’hygiène déplorables. La sous-alimentation
et les brutalités ont accru la mortalité.
On dispose de trois importants témoignages de « 21000 » relatifs à Dora.
Ils ont tous été arrêtés dans les Pyrénées. Jean Mialet était un Saint-Cyrien,
Max Dutilleux et Guy Raoul-Duval étaient des étudiants. Jean Mialet a connu
surtout des chantiers extérieurs au Tunnel, puis a été transféré à Harzungen.
Son récit s’intitule La Haine et le Pardon. Le déporté. Max Dutillieux, après des
chantiers intérieurs du Tunnel, a été transféré à Rossla. Il a publié Le camp des
armes secrètes. Guy Raoul-Duval a eu la chance de n’arriver qu’en janvier
1944 à Dora où il a travaillé au montage de la fusée. Son Témoignage de
Déportation est resté manuscrit jusqu’à une publication récente, après sa mort.
François Perrot, André Sellier, Thomas Fontaine
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Ces pages sont extraites du :
LIVRE-MEMORIAL
des déportés de France
arrêtés par mesure de répression
et dans certains cas par mesure de persécution
1940-1945
Fondation pour la Mémoire de la Déportation
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