mars 2010
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Transport parti de Compiègne-Rethondes le 18 août
et arrivé au KL Buchenwald le 21 août 1944
Effectif recensé : 1 249 Hommes
Matricules extrêmes :
78444 – 79000 et 80896 – 81586
Situations :
Evadé durant le transport : 1 (0,1 %)
Décédés durant le transport : 2 (0,2 %)
Décédés et disparus en déportation : 519 (41,5 %)
Rentrés de déportation : 653 (52,3 %)
Situations non connues : 74 (5,9 %)
C’est le dernier transport à emmener des déportés extraits du camp de
Compiègne-Royallieu jusque dans un camp de concentration du IIIe Reich.
Le débarquement de Normandie a déjà eu lieu depuis plus de deux mois ;
celui de Provence vient d’être opéré.
Les détenus ont quitté le camp le matin du 17 août, en camion et munis
d’une boule de pain et d’un colis de la Croix-Rouge pour deux. Le convoi
traverse la ville de Compiègne et prend la direction de la forêt de Rethondes,
près du passage à niveau de Vieux-Moulin, où un train de wagons à bestiaux
les attend. Le regroupement de l’ensemble des déportés se termine en début
d’après-midi. Mais le transport ne part que le lendemain matin. Il effectue un
premier arrêt à Soissons. En effet, le consul général de Suède à Paris, Raoul
Nordling, assisté du représentant de la Croix-Rouge, vient de signer un accord
avec le commandement militaire allemand en France occupée. Celui-ci stipule
que tous les détenus politiques des prisons et hôpitaux de Paris, ainsi que des
camps de Compiègne, de Drancy et de Romainville passent sous sa responsabilité. La veille au soir déjà, il avait tenté d’empêcher le départ du transport.
Mais, et cela se répète en gare de Soissons, la Sipo-SD, c’est-à-dire les
services policiers du Reich qui ont organisé cette déportation, refuse d’appliquer
les termes de l’accord et décide de poursuivre l’évacuation de ces
détenus vers l’Allemagne. A Reims, une nouvelle tentative de la Croix-Rouge
échoue, ses représentants n’arrivant même pas à distribuer de la nourriture aux
déportés. Le transport quitte Reims dans la soirée. Dans la nuit, il effectue de
nombreux arrêts en raison de tentatives d’évasion. Certains déportés sont alors
abattus ; alors que d’autres sont poussés dans des wagons déjà occupés et
surchargés. Le train franchit la frontière après Toul et opère un arrêt à Sarrebruck,
un des derniers avant Weimar.
Si un déporté de ce transport est arrêté lors de la manifestation parisienne
du 11 novembre 1940, la très grande majorité de ces camarades le sont en
1944, et près de 7 sur 10 après le débarquement de Normandie. Ils le sont
dans plus d’une trentaine de départements différents, principalement en zone
Nord, avant d’être regroupés au camp de Compiègne en vue de leur déportation.
Ce sont avant tout des résistants : de mouvements, comme les
membres de Libération-Nord, de l’Organisation Civile et Militaire (OCM) ou
du Front National, arrêtés en Seine-Inférieure, dans l’Oise, la Somme ou
l’Aisne ; de réseaux comme ceux participant au Noyautage des Administrations
Publiques (NAP) en région parisienne, ou ceux de Turma-Vengeance dans le
Loiret. Le 6 juin 1944 entraîne une multiplication des actions résistantes, et
accroît celles de représailles menées par les autorités allemandes. Ainsi, à
Guéret, dans la Creuse, des membres de l’Ecole de la Garde de la ville, de
l’Armée Secrète et des Francs-Tireurs et Partisans Français, sont arrêtés par
les troupes allemandes venues reprendre la ville aux mains des résistants
depuis le 7 juin ; dans l’Aude, des maquisards de Saint-Puelles sont faits
prisonniers dès la fin juin 1944. La population civile n’est évidemment pas
épargnée : des otages sont par exemple arrêtés, au début du mois d’août
dans la Somme, à la suite d’un attentat contre un milicien. Dans ce même
département, des rafles successives sont menées les 16 et 17 juillet dans les
villages de Dompierre-en-Santerre, Frise et Herbecourt, après que les Allemands
découvrent dans un bois environnant un dépôt d’armes clandestin.
Les déportés de ce transport sont utilisés pour l’effort de guerre allemand,
comme beaucoup de leurs camarades arrivés au KL Buchenwald depuis 1943.
Ainsi, près de 40 % d’entre eux sont transférés le 13 septembre 1944 au
Kommando de Neu-Stassfurt, à une trentaine de kilomètres de Magdeburg,
pour travailler dans différentes firmes et entreprises chargées d’aménager
une usine souterraine dans les salles des mines de sel et de potasse de la
ville. Plus de la moitié de ce groupe ne rentre pas de déportation en 1945 ; dont
plus de 130 personnes qui décèdent lors de la marche d’évacuation du
Kommando, débutée le 11 avril 1945 et achevée le 8 mai entre Ansprung et
Annaberg, près de la frontière tchèque, après plus de 360 kilomètres de marche
sur des routes secondaires.
Des déportés de ce transport sont également dirigés vers d’autres
Kommandos dépendant du KL Buchenwald ; alors qu’ils ne sont qu’une
minorité à être transférés vers d’autres KL, principalement celui de Dachau.
Au total, l’analyse du taux important de décès des membres de ce transport
montre que près de 45 % d’entre eux ont lieu en avril-mai 1945, à un moment où
le système concentrationnaire se disloque et où se mêlent alors, pour expliquer
de tels chiffres, le surpeuplement des camps, l’abaissement drastique des
rations, les épidémies et les évacuations précipitées.
Thomas Fontaine, Laurent Thiery
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Ces pages sont extraites du
:
LIVRE-MEMORIAL
des déportés de France
arrêtés par mesure de répression
et dans certains cas par mesure de persécution
1940-1945
Fondation pour la Mémoire de la Déportation
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